Propositions de programmes

 

Dans mon enseignement aux mélodistes, je dissocie assez distinctement travail solo et travail avec basse, deux contextes de jeu faisant appel à des réflexes radicalement différents et parfois même, contraires.

Certes, il peut sembler de prime abord que l’improvisation avec une basse extérieure soit le mode de jeu le plus naturel et qu’il faille privilégier cette compétence. Mon expérience personnelle me convainc pourtant de l’énorme avantage que procure le travail en solo sur nos instruments mélodiques : la possibilité de pénétrer dans son essence l’artisanat de la basse continue et d’en acquérir une connaissance intime sur l’instrument et, in fine, une conscience harmonique qui se révèlera profitable dans bien d’autres situations.

Certaines des propositions qui suivent pourront paraître exigeantes et il y a souvent le risque de submerger l’étudiant par trop de notions d’harmonie. J’essaie au contraire de toujours trouver un équilibre entre analyse cognitive, calcul et anticipation harmonique d’une part et spontanéité du geste, production intuitive d’autre part, sans quoi l’improvisation ne serait que l’histoire de nos frustrations !

Quelques domaines d’investigations possibles, avec basse ou en solo :

 

I Avec Basse

Grounds, chacones et folies 
L’improvisation sur basse obstinée est une des aptitudes essentielles de notre métier. Plusieurs pistes de travail sont possibles.
Celle de la forme : sur une trame harmonique immuable, comment développer une narration saisissante sur la durée – contrastes, amplifications, ruptures ou linéarité ?
Celle du contexte : à plusieurs musiciens, quelles solutions pour improviser en groupe – alternance, prise de parole, invitation?
Celle du contrepoint ou complémentarité polyphonique : comment se répartir la conduite des voix pour une improvisation simultanée ? (trio).
Enfin, protocole structuré ou organisation spontanée ?

L’art du Partimento 
Improvisation avec basse.
Plus long qu’une simple basse obstinée, l’usage d’un Partimento est une excellente solution pour l’improvisation en musique de chambre. Ce support harmonique développé est une référence commune permettant aussi bien un travail sur les affects et la variation -quitte à l’adapter si nécessaire –, qu’un travail sur le contrepoint et la complémentarité harmonique dans le contexte d’une improvisation en trio. 

Fantasticus 
Improvisation avec basse.
Il s’agit ici de rechercher des moyens, voire d’inventer un code entre le dessus et la basse pour l’improvisation libre dans le style baroque de la seconde moitié du XVIIème.
Ici rien de prévu, pas de basse ou Partimento fixe sur lequel s’appuyer. On verra comment les musiciens peuvent cependant, que ce soit par les inflexions mélodiques ou les anticipations et incitations de la basse se diriger au travers d’un même imaginaire musical qu’il construiront peu à peu. Bien sûr, partager certaines connaissances du style favorisera l’expérience !

 

II En solo

Préludes et Fantaisies 
Ce cours s’adresse à tous les mélodistes.
On essaiera d’improviser absolument librement en ayant pour principal objectif celui de la forme.
Comment produire un inizio (début), installer une tonalité, une métrique, une texture, etc., comment moduler et s’orienter dans les méandres d’un plan tonal sans pour autant oublier le sens expressif de la modulation, comment développer une dramatique, et conclure.

Réflexes harmoniques 
Ce cours s’adresse aux instrumentistes à cordes (violon, alto, violoncelle).
Il s’agit de montrer comment sur nos instruments l’on peut développer des réflexes polyphoniques très sûrs qui permettront une immédiateté et une confiance très favorable à l’improvisation, système que j’ai développé peu à peu après beaucoup d’errance…
Jeux de mains : exercices de cadences, mouvements harmoniques typiques, séquences, etc. Comment se construire un répertoire de gestes et de sons, un materiau de base sur lequel s’appuyer. 

Sei solo. Une approche par l’improvisation des œuvres de Bach pour violon et violoncelle seul 
Ce cours s’adresse à tous les mélodistes, de bonnes connaissances harmoniques sont nécessaires.
Entre extravagances et conventions, les Sonates et Partitas comme les Suites sont un modèle obligé, même si souvent hors de portée… Œuvres sublimes parfois tellement assimilées que l’on oublie de les questionner et que devant l’édifice l’oreille critique a démissionné.
En ayant toujours pour but l’improvisation, nous nous appuierons sur le maître et ainsi nous perdrons dans ses pas. Transposition, paraphrase, réécriture, tentation d’autres possibles, corrections, normalisations etc. ? Aucune limite à la déformation du matériau. Tout cela dans un profond respect, pour notre plus grand profit et j’espère, une admiration renouvelée !