Da Solo

 

Le projet Da Solo consiste en quatre clips vidéo témoignant de la diversité de mon implication dans le domaine de l’improvisation.

L’idée directrice était que chacun de ces quatre clips soit produit avec une économie de moyen seyant à la forme du solo et surtout correspondant à l’esprit de l’improvisation. En effet, ils devaient véhiculer fidèlement l’impression d’une création musicale ex tempore où le discours est provisoire et la prise de risque valorisée.

Ils ont été tournés dans des acoustiques naturelles, le son étant toujours pris simultanément à l’image (ce qui implique des possibilités de montage limitées), dans un format se rapprochant le plus possible d’une captation live, laquelle est cependant légèrement scénarisée. Ils sont très différenciés : à chaque fois en effet, dans un environnement et une acoustique différente, un autre genre ou style d’improvisation est présenté :

 

I Variations sur Une jeune fillette, chanson de la Renaissance

Une jeune fillette, aussi appelée Monica en Italie (petite none) est une chanson de la Renaissance ayant eu une rare postérité racontant les tourments d’une jeune fille ne voulant pas aller au couvent. Véritable standard dans l’Europe entière, celle-ci reste présente dans le répertoire baroque jusqu’au XVIIIème siècle, Bach l’utilisera dans sa cantate Von Gott will ich nicht lassen.
Pour cette version, j’ai essayé sur le modèle des transcriptions de pièces vocales pour luth de concilier ornementation et diminution d’une part et contrepoint de l’autre, en mettant en valeur le plus économiquement possible les degrés de la basse et l’harmonie par l’usage de la polyphonie latente.

 

II Passacaille en stylus fantasticus 

Une passacaille est un mouvement de variation à trois temps bâti sur une basse obstinée (c’est-à-dire vouée à se répéter sans cesse), en général le tétracorde menant à la dominante par mouvement conjoint descendant – par exemple sol fa mi ré.
Celle-ci est construite sur une inversion courante du tétracorde usuel, en remplissant la quinte par mouvement conjoint ascendant : sol la si do ré. Le projet originel était de proposer une version symétrique de la fameuse passacaille de l’Ange gardien de Biber (1664-1704) pour violon seul en utilisant le répertoire technique du Stylus fantasticus (musique instrumentale virtuose du second XVIIème). J’ai cependant un peu varié la basse et intégré une partie majeure avant le retour au mineur. Stylistiquement la pièce est finalement libre avec des harmonies et une utilisation des dissonances beaucoup plus moderne que le modèle prévu initialement.

 

III Christ lag in Todesbanden, choral figuré 

Le choral figuré est un genre allemand consistant en la mise en perspective contrapuntique d’un choral : chaque verset est introduit par une petite fugue sur le motif de celui-ci, parfois  sous une forme légèrement modifiée, avant son apparition proprement dite en valeur longue. Cette apparition est un évènement ponctuant formellement la pièce, en général mis en valeur par l’émergence d’un nouveau jeu à l’orgue.
Ce répertoire est assez spécifiquement celui des organistes, il n’y a pas de pièces de ce genre pour violon seul. L’enjeu était pour moi de trouver le moyen de distinguer dans la texture les moments où apparaît le verset avec les possibilités limitées du violon. Ces fragments en question ont été pré-composés, les fugues ou fughetti qui les annoncent sont beaucoup plus libres formellement et contrastés dans leurs ambitions. Plusieurs citations plus ou moins approximatives de l’œuvre de Bach pour violon seul s’y retrouvent, elles n’ont pas été réprimées !

 

IV Fantaisie sur le Canon in Augmentatio de l’Art de la fugue BWV 1080 (Bach) 

Cette fantaisie de forme libre est construite sur la ligne énigmatique de l’incipit du Canon per augmentationem in contrario motu de l’Art de la Fugue (BWV 1080). Sans aucune ambition contrapuntique – au contraire de l’original- je me suis laissé porter par ce matériel si riche et étonnant, chromatismes et septièmes diminuées en chaîne, en évitant le jeu en double-cordes de sorte que l’essentiel de l’harmonie se dégage des inclinaisons des intervalles mélodiques.

Stylistiquement, cette fantaisie se situe dans un imaginaire résolument sentimental, empfindsam, celui des fils Bach au milieu du XVIIIème. Dans la dernière section de la pièce figure à nouveau le thème à la basse, à l’envers (contrario motu) et en valeurs deux fois plus longues (augmentationem), propos de l’original.

 

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